70 ans à Tournus, ça n’use rien du tout

Nadège et Pierre-Joseph Ouraeff tiennent la cordonnerie Cordo’Services, sise en plein centre ville de Tournus juste à côté de la maison natale de notre bon Greuze, au numéro 5 de la rue homonyme. Pierre-Joseph nous a accordé quelques minutes de son temps pour conter l’histoire, peu banale, du dernier cordonnier de la ville, qui a ouvert boutique en 1946 et célèbre donc cette année son septantième anniversaire…

IMG_20150910_084809Cordo’Services c’est d’abord une cordonnerie, comme son nom vous l’aura peut-être indiqué, mais aussi son traditionnel corollaire de service copie de clés et enfin, un moins habituel dépôt-vente d’articles d’occasion en chaussures et vêtements, parmi lesquels un(e) amoureux(-euse) des belles peaux peut facilement trouver son bonheur.

Pour résumer, c’est le magasin tout indiqué pour acheter une paire de semelles, une paire de chaussures de qualité ou, comme il m’est arrivé récemment, pour faire réparer un Perfecto quadragénaire qui aurait malencontreusement rencontré les dents d’un jeune chien. La petite boutique conserve de son grand âge le parfum inimitable du cuir et un look « vintage » du meilleur effet qui donne l’impression de retomber en enfance.

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Mais comment en arrive-t-on à reprendre une cordonnerie dans une petite ville ? Noble activité s’il en est, elle présente néanmoins quelques aléas typiques des petits commerces, comme par exemple l’incertitude quant à la régularité de la clientèle et donc, du résultat. Pierre-Joseph Ouraeff nous explique :

« Je viens du monde de la finance — plus précisément, de la banque-assurance. Issu de la région toute proche, c’est dans le cadre de mon activité de commercial d’alors que j’ai rencontré ma future épouse, qui travaillait à la cordonnerie avec ses parents depuis son plus jeune âge. (Parents qui ont eux-mêmes repris le fonds de commerce vacant en 1992, ndr.) J’ai toujours aimé le travail manuel. Je me voyais devenir mécanicien mais mes parents m’ont poussé vers des études plus classiques. Par le biais de cette rencontre, j’ai eu l’occasion de découvrir un métier pour lequel j’avais des dispositions, et aussi de changer de vie. J’ai donc quitté en 2013 une situation salariée privilégiée pour me lancer dans l’entrepreneuriat, avec ses incertitudes bien sûr mais aussi ses bons côtés : moins de confort mais moins de stress. J’ai donc appris sur le tas, et nous travaillons maintenant ensemble ma femme et moi.

En 1946, Tournus comptait près de quinze cordonneries. Nous sommes maintenant les seuls, ce qui explique en partie pourquoi la boutique connaît toujours autant de passage. »

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Pierre-Joseph n’a pas qu’un intérêt purement professionnel pour le travail manuel : il est réellement bricoleur passionné, au point d’avoir racheté une maison à restaurer, restauration qu’il a presque complètement menée à bien lui-même. Sur la vie du centre ville de Tournus, il nous a dit quelques mots également : d’abord sa sérénité quant à son activité, qui ne connaît pas de vraie baisse de fréquentation malgré l’histoire que vous connaissez désormais tous tant elle fait souvent l’objet des discussions de coin de trottoir, celle du manque de places dans le centre. Lui aussi entend parfois dire que les parkings sont trop éloignés, même si le plus proche n’est en fait qu’à quelques pas pour qui voudra bien aller le chercher. Mais globalement, fort heureusement, les tournusiens ne voient pas d’inconvénient majeur à son implantation dans l’étroite rue Greuze, qui ne compte aucune « vraie » place de stationnement.

Ce sont d’autres problématiques qui l’ont poussé à s’intéresser de plus près à la politique locale. Ainsi, il doute beaucoup de la justesse du choix de délocalisation du cinéma municipal, qu’il estime très bien géré tant en termes de variété que de qualité de programmation pour une ville de la taille de Tournus. À l’inverse, la réouverture du passage Cadot lui semblerait judicieuse si elle ne signait pas, forcément, l’arrêt de mort de la petite salle obscure. Enfin, la bipolarité Nord-Sud annoncée, avec ses centres d’activité artisanale et commerciale déportés, l’inquiète pour l’avenir du centre, pris entre ces deux feux à venir…

Cordo’Services, 5 rue Greuze, 71700 Tournus. Tél. 03 85 36 05 46.

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