Chardonnay, les raisons de la colère

Chardonnay est un village pittoresque, mondialement connu pour son cépage homonyme, qui fait rarement parler de lui en dehors du monde viticole. Jusqu’à ces jours derniers puisque trente sauvages ont mis le village à feu et à sang. Enfin, d’après ce que j’ai compris.

Ah. Il s’avère en fait que ces informations sont spéculatives mais ne font guère de doute : il s’agit d’une trentaine de migrants fraîchement débarqués de Calais. Imaginez donc. « La jungle », dit-on. Des sauvages, donc. Inutile de tourner autour du pot ; la population locale meurt d’angoisse à l’idée de voir ses filles traînées dans les rues par les cheveux pour être violées, ses maisons brûlées et ses voitures volées. Voire les filles volées et les voitures violées, on ne sait jamais.

Chardonnay : panneau d'entrée de ville.

Photo d’illustration : Adrian Michael, licence GFDL 1.2. Wikimedia Commons.

Ce ne sont pas seulement trente hommes, femmes et enfants qu’accueille désormais Chardonnay. C’est aussi et avant tout un symbole à double face. D’abord le symbole d’un monde un minimum altruiste et responsable qui s’occupe de tous les Hommes, fussent-ils Noirs, Blancs, Musulmans, Chrétiens, Français ou étrangers. Et l’autre face : la cristallisation à l’échelle locale d’une peur ancestrale. La peur du changement et la peur de l’inconnu.

Ces hommes et femmes incarnent cet inconnu. Ils sont Calais et ses batailles rangées ; ils sont les clandestins qui vendent des merdouilles à la sauvette sur les ponts de Rome et au pied du Sacré-Cœur, n’hésitant pas à recourir au petit larcin occasionnel pour arrondir les fins de journées. Un migrant, c’est tout ça.

Oups, deuxième erratum. Ce ne sont pas les migrants qui sont comme ça — mille excuses. Ce sont les Hommes. L’expérience tend à prouver que tout Homme déraciné par la violence, jeté sans ressources, sans papiers et sans travail dans un monde inconnu et au nez duquel toutes les portes se ferment, a plus de chances de commettre des actes répréhensibles pour assurer sa survie et celle des siens. Et inversement, que tout Homme pris en charge, auquel on fournit un logement décent et des occupations, se tient généralement fort tranquille. Migrant ou Bourguignon.

Calais : place du marché, apparemment. Notez le niveau de confort et d'assistanat scandaleusement financés par vos impôts. (Auteur inconnu.)

Calais : place du marché, apparemment. Notez le niveau de confort et d’assistanat scandaleusement financés par vos impôts. (Auteur inconnu.)

Mais comprenez, enfin ! Ils ne sont pas de la même couleur, pas de la même religion, pas du même pays, pas de la même culture ! Eh oui. Enfin, eh non. Et alors ? Leur culture leur a, tout comme la nôtre, inculqué des principes de respect sacré de l’hospitalité, et le bon sens leur dicte, comme il le ferait pour tout un chacun, de ne pas chier là où ils mangent. Il n’est dans l’intérêt de personne que cette installation provisoire finisse en conflit mais, à titre de mesure conservatoire, le bon peuple, pétri de bonnes intentions quant il s’agit de son voisin, préfère se préparer au pire. Fermer les portes, les fenêtres et les cœurs. Se rendre sourd à la misère réelle d’autrui pour se lamenter sur sa propre, éventuelle et fantasmatique, misère à venir.

Les mots employés par certaines des personnes interrogées par le Journal de Saône-et-Loire ne sont pas sans rappeler une époque où le Noir était « sauvage ». C’était il y a un peu moins de cent ans. On allait voir les Hottentots au zoo, à côté des lions. On admirait la belle stature du Nègre taillé pour la course en savane mais inapte à produire la moindre culture de valeur. On admettait que le Sénégalais meure pour la France, sa patrie d’adoption, mais malheur au tirailleur qui aurait eu l’idée folle d’aller s’encanailler au claque au côté de son compatriote blanc de peau.

Qu’est-ce qui a changé, en 90 ans ? Malgré tous ces voyages en Afrique du Nord effectués par nos concitoyens sur charters à bas prix, malgré cette incroyable facilité avec laquelle on peut, si l’on veut, savoir ce qui se passe « chez eux » et comprendre leur désarroi ? Apparemment, pas grand-chose. La bête immonde ne dort toujours que d’un œil, attendant le faux-pas du migrant pour en faire un exemple, attendant le prochain attentat pour fustiger les Musulmans, espérant que la majorité des bateaux amenant ces misérables iront par le fond plutôt qu’au rivage.

2016 : une femme interviewée par Canal+ clame sans honte aucune son désintérêt total pour le sort des noyés en Méditerranée. Aurait-elle pleuré s’il s’était agi d’un bateau rempli de bébés chiens ?

2016 : les commentaires sous les articles du JSL sentent bon le brun sale qu’on espérait révolu. « Vivement 2017 », dit l’un d’entre eux. Comprenez : vivement madame Le Pen.

2016 : le repli frissonnant et fébrile derrière les frontières politiques, naturelles, économiques, sociales et culturelles est en marche. Retour des blocs Est et Ouest, conflits sociaux, crises économiques, splendide remontée des extrémismes, racisme, xénophobie, islamophobie et antisémitisme décomplexés : elle n’aurait pas comme un petit goût de 1933, cette année 2016 ?

2016 : Allez. Ne soyons pas si pessimistes. Gageons que l’intelligence prévaudra. Que les habitants de Chardonnay seront assez honnêtes pour reconnaître, au bout de quelques semaines, que rien n’aura changé pour eux — comme c’est le cas partout ailleurs où des migrants sont accueillis : vous entendez souvent parler de problèmes avec des migrants intégrés ? Et enfin, gageons que, tous, nous saurons faire barrage à la bêtise, à la méchanceté, à l’ignorance et aux préjugés.

10 réflexions sur « Chardonnay, les raisons de la colère »

  1. FLAMAND

    On en a rien à faire !!! pas besoin de ces merdes chez nous , n’y as t’il pas assez de pauvres ici ??
    Qu’il rentre chez eux et qu’ils fassent chez EUX le petite guerre pour vivre d’eux même de leur pays !! Qui paye encore ??? nos gueules de con ??? qu’ils aillent au diable !!
    Que notre france s’occupe de ces français,,,, d’abord,,,, et qu elle paye aux français avant de donner NOTRE ARGENT aux étrangers !! pays de merde !!

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    1. kr3k

      @FLAMAND : Vous les connaissez? Vous les avez rencontré? Vous savez ce qu’ils et elles ont vécus comme guerre, violence, massacre?

      Pendant la première guerre mondiale, plus d’un million de Flamands et Walons ont fuit leur pays et trouvé asile aux Pays-Bas. Peut-être même vos ancêtres. Qui ne seraient peut-être plus là si personne ne les avait aidé.

      Soyez gentil. Essayez de vous mettre dans leur situation. Que ferez vous si des meutes de soldats tuent vos proches, brûlent votre maison et volent tous vos biens. Vous essaierez de fuir, non? Eh ben, sii tout le monde pensait comme vous, vous ne pourrez aller nulle part pour être en sécurité.

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  2. Cob

    Une partie de la population qui travaille et qui a tous les devoirs (de l’homme) sans les droits, fatigue de financer une autre partie de la population qui a tous les droits (de l’homme) sans les devoirs et n’a pas envie qu’on en rajoute. Le reste n’est que littérature.

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    1. julienroturier Auteur de l’article

      Oui : une partie de la population fatigue, c’est vrai. Mais elle se trompe de cible. Ces gens n’ont ni aucun devoir, ni tous les droits. La photo ci-dessus donne un bref aperçu des conditions de vie à Calais : vous appelez ça un « droit », voire un abus de droit, que de laisser vivre adultes et enfants dans un tel merdier ? Je ne suis pas d’accord. Ces migrants, qui ont de bonnes raisons de fuir leurs pays, ne sont pas à blâmer. La corruption politique endémique et les patrons voyous qui mangent 90 % des revenus de la planète sont, directement et indirectement, responsables à la fois de nombre des conflits qui jettent ces gens sur les routes ET de la situation qui fait que les français en ont marre de tout, sans même savoir exactement de quoi.

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      1. Cob

        Votre réponse ne répond pas à mon propos, peut-être ne l’avez vous pas compris…
        D’autre part je sais très bien de quoi je suis fatigué, outre mon props précédent non compris, c’est de cette soit disant culture qui veut tout expliquer, tout excuser, tout en accusant et tout en étant aussi raciste que ceux qu’elle accuse.
        J’ai découvert que le racisme existe il y a quarante sept ans quand je me suis retrouvé avec un couteau sous la gorge….. Dois je expliquer qui était le raciste ?
        L’angélisme à ce point frise la malhonnêteté

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        1. julienroturier Auteur de l’article

          Oh votre propos était très clair, merci de ne pas trop me prendre pour un abruti, en plus de me taxer de malhonnêteté et de racisme. Je constate seulement que nous n’avons que peu de chances de tomber d’accord, que ce soit quant aux raisons ou au traitement des conséquences. J’attends vos explications sur les accusations que vous me lancez, pour ma part. En gros, moi je serais raciste parce que j’excuse les victimes et accuse les tourmenteurs ou les ignares, et vous qui avez, pauvre de vous, été victime d’un acte raciste il y a presque un demi-siècle, vous seriez à jamais dédouané de tout racisme éventuel puisque vous êtes désormais une victime — désolé si ma vision de la chose ne correspond pas à ce que vous vouliez dire, mais vous me laissez deviner l’acte, le contexte, les conséquences et leur portée 50 ans plus tard, plutôt que d’en venir au fait. Oui. Bon. J’ai beau essayer de comprendre, désolé mais votre rhétorique n’est pas des plus faciles à suivre. On peut résumer ça plus simplement : vous me prenez pour un demi-idiot pontifiant gauchiste, et moi je… ah merde. Comment dire ça en restant poli… Disons que la façon dont vous simplifiez à outrance est une partie du problème. Voilà.

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  3. Prince

    Beaucoup trop de naïveté dans ces propos. On est plus dans la logique de la première guerre mondiale, ni de la deuxième, mais bien de la troisième où les victimes me sont pas celles qui prétendent ou semblent l’être.

    Il n’y a pas de guerre civile en cours dans l’immense majorité des migrants qui viennent ici. Sénégal, Niger, Nigeria, Gambie, Côte d’Ivoire, Cameroun et surtout les pays du Maghreb.

    Par contre, oui ils pratiquent une guerre silencieuse, le grand remplacement…. Avec l’aide des pouvoirs politiques aveugles et les idiots utiles. Partout où l’islam à passé, les cultures locales ont été éradiquées, massacrées et anéanties. Les bouddhistes en Indonésie, les berbères et leur culture non islamique, les chrétiens du Moyen-Orient, les juifs, et les centaines d’autres cultures qui ont disparues.

    L’esclavagisme musulman, bien pire que l’esclavage des colons européens à encore court dans les sociétés arabes et le racisme envers les autres, dhimmis ou kouffars est un pilier des sociétés musulmanes.

    L’ignorer est accepter d’avance son futur statut d’être inférieur….

    1400 ans de massacres et de haine et certains refusent toujours d’apprendre…

    Et question préjugé, les pires sont ceux que doivent subir les lanceurs d’alerte….

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    1. julienroturier Auteur de l’article

      J’assume pleinement la part de naïveté de ces propos. Elle est tempérée par la naïveté, parfois tout à fait volontaire, de certains opposants qui mettent dans un même panier les islamistes, les Musulmans et les migrants. Non, il n’y a pas de guerre civile partout, en effet. Il y a d’autres formes de conflits que le conflit armé, et bien d’autres raisons qui peuvent pousser ces gens hors de chez eux. Je ne vais pas faire un cours de géopolitique, j’imagine, vu votre niveau de connaissance du sujet, que je n’ai rien à vous apprendre là-dessus.

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  4. VALE Adeline

    Bien cher Flamand c’est à cause de personnes comme vous que le monde produit tant de misère. En fait, vous êtes la cause, avec votre QI qui doit avoisiner les moins trois mille, de la décadence du monde.
    Aussi, faites enfin quelque chose d’utile, embarquez sur un bateau de fortune et allez dériver en mer, on trinquera avec les migrants et un bon verre de chardonnay.

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  5. Parvati

    Merci pour cet article et pour votre humanité… Je suis choquée par les réactions violentes, stupides et d’un égoïsme incroyable qu’on peut lire un peu partout dans les commentaires ! J’en perds les mots et les yeux me brûlent…

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